Parfois je me sens beaucoup trop petite pour ressentir de si grandes émotions. C’est ce qui s’est passé aux Audi Masters. A mon arrivée, je fais la queue pour retirer mon ticket et j’aperçois de loin les cavaliers qui s’entraînent. C’est déjà trop pour moi. Je m’agite, je sursaute, je m’impatiente, je ne peux plus attendre et je ris. Mon voisin me sourit et me dit qu’il me comprend. C’est cela le monde des cavaliers et des amazones. Un amour inconditionnel et un peu fou. Une grande fraternité autour des chevaux. Tout leur donner, dépasser sa peur, aller au bout de ses limites et toujours se relever malgré les chutes. Nombreuses
Un peu plus tard, je suis à la tribune. Le prix Lufthansa commence. Mon voisin de gauche se souviendra de moi. Je me suis agrippée à son bras plus d’une fois. Quand une amazone a chuté sur un obstacle. Quand c’était trop beau. Quand un cheval a fait un refus. Quand un autre faisait tomber une barre sur le dernier obstacle après un sans faute. La puissance des chevaux est incroyable. Ils sautent des auxerres à plus de 1m50 et pour le concours qui suit ce sera 1m60. 7 cavaliers ont réussi un sans faute et se retrouvent au barrage. Il faudra réussir à nouveau un sans faute avec moins d’obstacles et tout se jouera au chrono. C’est la course effrénée. Ils prennent des risques, raccourcissent incroyablement les virages et tentent le tout pour le tout. Après un superbe parcours de Jérôme Géry parti en premier, c’est finalement Nicolas Philippaert qui l’emporte.
C’est au tour du concours Audi de commencer. On a relevé les obstacles. Le parcours est extrêmement compliqué. Tout débute par des séries de cavaliers qui ne réussissent pas le sans-faute. Un peu plus tard, un premier sans faute. Les cavaliers ont du se donner des tuyaux dans les écuries. Il y en aura 11 au barrage sur 48 cavaliers et amazones au départ du concours. Les chevaux veulent sauter. Ils donnent tout. Mais il y a toujours des surprises. Comme ce cheval qui fait subitement un refus après un parcours parfait et refuse de sauter. On lui fera sauter un autre obstacle avant de sortir de la piste pour qu’il ne reste pas sur un échec. Le cheval d’un Whitaker manque quant à lui de détruire un obstacle. C’est ensuite la course au temps avec une victoire du néerlandais Gerco Schröder.
Sur ce grand prix 5 étoiles qui a réuni le numéro 1 mondial, le champion du monde et le champion olympique, on a aussi vu des dynasties de cavaliers. Les belges Philippaert avec le fils et le père qui ont tous deux concouru. Les anglais Withaker avec le fils au prix Lufthansa et le père et la sœur au grand prix Audi. Les norvégiens Gullisen avec la fille et le père. A chaque fois, on reconnaît un même style, une signature, une tradition qui se transmet. J’ai un faible pour les Whitaker qui montent sublimement. Ils créent l’émotion. La grâce est au rendez-vous à chaque foulée, à chaque envol de leurs chevaux.
Dans l’avion, je suis la seule étrangère.Quand on se pose un peu brutalement, les passagers applaudissent à tout rompre. Si le pilote avait fait un atterrissage parfait, il aurait probablement eu droit à une ovation!
Quelques instants après, je monte dans le bus. Je me sens déjà chez moi. En plein milieu de la nuit, je m’installe et laisse faire le chaos des valises qui tombent et qu’on lance ici ou là.
On passe une musique arabe entrainante. Toujours les mêmes paroles : « je t’aime trop, et même trop, ce n’est pas assez… je t’en supplie accorde-moi un seul regard, un seul instant!!! »
Le lendemain, on parle de la condition des femmes iraquiennes. Un million de veuves. Pas assez d’hommes pour trop de femmes. Les mères reproduisent souvent les inégalités dont elles ont souffert. Le nombre d’analphabètes progresse. Les violences conjugales sont en hausse. On compte 3 divorces pour 4 mariages. Des mariages d’une heure. Au-delà de la question du mariage, je vois une immense frustration physique et morale d’un peuple pris en otage.
Pour entrer au Kurdistan, je n’ai pas eu besoin de visa. Je marche tranquillement dans les rues, je visite la citadelle, je vais au centre commercial. Pourtant Baghdad n'est qu' à 350 km et Mossoul à 80km. Mais je n'ai pas le droit d'y aller. A chaque nouvelle d’attentat dans la capitale, mes collègues appellent leurs familles.
On parle la même langue, on mange les mêmes plats, on a le même humour. C’est si facile. Un peu comme un retour au pays après une longue absence. Toute la famille vous accueille en riant.
On vous présente aux plus petits avec des phrases ponctuées de « tu habites ou, encore ? », « quel est ton métier, au juste ? », « mais dis, quand est-ce que tu reviens t’installer ici ? » et pour finir « c’est la fille de ton oncle! ».
Le vendredi et le samedi, les familles de Baghdâd viennent piqueniquer et se baigner a la rivière dans les montagnes du Kurdistan. Il y fait plus frais. Cela permet de fuir la chaleur harassante de la capitale. On oublie un peu la peur de chaque jour à laquelle on ne s’habitue pas. On se détend. On déconnecte.
A peine arrivée, il est déjà temps de repartir. Je prends la route d’Erbil pour Suleimaniya. J’aspire maintenant à retrouver une vie moins lointaine mais tout aussi trépidante.
C’est la fin d’une série de 3 voyages. Sur la route, j’ai croisé des personnes qui valaient le détour. Comme me l’a rappelé une amie, on a tous des failles et des fractures dans lesquelles la lumière peut descendre.
Me voici en direction de Mazar-e-Sharif avec mes compagnons de route, Jamshid et Sardawali. L’un est calme et réservé tandis que l’autre est intrépide et blagueur. L’un aime les films historiques tandis que l’autre ne jure que par les films indiens et la musique afghane, turque et pendjabi.
A Mazar-e-Sharif, nous dinons dans un restaurant afghan autour d'une table basse assis sur des coussins. Des musiciens jouent de la musique traditionnelle avec des tablas et une cithare.
A l'aube, nous visitons la mosquée bleue, joyaux d’architecture, de beauté et de ferveur. La mosquée est pleine de monde. Dans le mausolée, une femme en burqa blanche tient un coran contre son visage et tremble de tout sont corps en priant. D’autres s’approchent du tombeau avec leurs enfants. Moi aussi, je m’avance. L’odeur d’encens m’envoute. Un homme m’offre un foulard rose vif. Des oiseaux blancs se posent partout et veillent sur le mausolée.
La plupart des femmes portent la burqa, un long tissu bleu avec un tissage très fin au niveau du visage pour voir et respirer. Elles circulent en burqa, font du commerce de petits pains en burqa et mendient sur le bord des routes vêtues de cette même tenue. C’est assez étrange, un peu comme si la moitié de la société se cachait.
Mon cœur chavire et se brise devant tant de souffrance humaine. L’espérance de vie est de 44 ans. La plupart des femmes accouchent sans aucun confort. Le taux de mortalité infantile est l’un des plus élevé au monde.
Pourtant, envers et contre tout, la vie est la. Plus forte que jamais. Mariages, naissances, fêtes. L’espoir et la foi sont dans tous les cœurs.
Les Afghans aiment leur pays. Ils ne se laissent pas diviser. Ils forment un seul peuple tout en sachant que l’Afghanistan n’est sans doute qu’un hasard de l’histoire, le produit d’intérêts complexes qui les dépassent.
Ils assument leur destin et regardent vers l’avenir. Ils ont leur fierté pour guide et gardent la tête haute.
Dans les rues de Kabul, une petite fille et un petit garçon marchent en se tenant la main. Ils ne se lâchent pas et font bien attention en traversant. On sent un attachement indéfectible et profond entre ces deux êtres minuscules au milieu de la foule des passants et de la circulation effrénée.
C’est cette image qui restera gravée dans mon cœur comme une promesse de lumière et de fragiles lendemains.
En Afghanistan
Sereine et en paix
Je suis une princesse
Toutes les filles attendent
Le prince charmant
Moi, je crois plutôt
Qu’en chacune de nous
Dort une princesse
Prête à s’éveiller
Pour s’émerveiller du monde
Laissons les princes
Réaliser leurs destins
Aller au loin
Et revenir
Osons être
Ce que nous sommes
Armées de nos désirs
De nos échecs, de nos victoires
Traçons nos routes
Vivons nos vies
Princesses des champs, princesses nomades
Princesses rêveuses, princesses têtues
Princesses des villes, princesses des rues
Princesses perdues, princesses d’exil
Au Tchad
J’ai appris à attendre
Pour tout et n’importe quoi
Attendre au guichet VIP de la banque
Longtemps
Attendre 3h ma chambre
Réservée à l’avance
Attendre que la lumière revienne
Attendre que l’eau ne soit plus coupée
Un instant
Attendre que la tempête
De sable s’arrête
Un jour
J’ai appris à vivre dans l’attente
Implacable, impassible
Comme le désert
Ne pas chercher à négocier
Vivre dans cet état de suspension
Profiter de ce temps
Comme d’un repos imposé
Accepter de dépendre de
De ne pas avoir le choix
Et tant aimer ma liberté
Quand je l’ai retrouvée