Bon… Il faut percer l’abcès… C’est l’avis unanime du médecin et de la clique d’étudiants qui l’accompagne. Le malade s’en remet à son avis éclairé. Le furoncle envahit son visage, déjà bien disgracieux au naturel, mais franchement repoussant maintenant. Sa femme, compatissante, l’abreuve de gestes doux et de petits mots gentils. Chacune de ses phrases est émaillée de « mon biquet », « mon poussin » et autres surnoms plutôt ridicules pour un homme qui a dépassé la soixantaine. Sa fille est là également, le visage grimaçant de dégoût. Elle ressemble à une petite chose lâchée par hasard au chevet d’un homme qu’elle semble ne plus reconnaître, totalement hermétique à ce qui se dit et se fait autour d’elle. A l’extérieur de la chambre, chacun peut entendre les bruits typiques d’un hôpital. Ca les rassure d’entendre un fauteuil roulant roder, cherchant l’ascenseur. Le malade, du fond de son lit, se fait l’effet d’être un dinosaure, perdu dans un monde inconnu, étudié sous toutes les coutures. Il écoute les paroles posées du médecin, tâte son furoncle, se tourne vers sa femme dont il remarque subitement les rides qui lui donnent un air de parchemin qui n’aurait aucun secret à révéler. Les étudiants sont parfaits, béats d’admiration derrière leur mentor même si l’un d’eux tripote des cailloux enfouis dans la poche de sa blouse. « Bon, se dit-il, il faut donc percer ce bidule avant que l’infection se répande. C’est un mauvais moment à passer et voilà tout ». Et immédiatement, il s’entend dire à la cantonade : « La lunette des WC est cassée. Il faudrait la changer ». Allez comprendre ce qui se passe dans le cerveau d’un homme lorsqu’un furoncle s’invite sur son visage…
Les mots imposés sont soulignés.