Comme un fleuve qui coule (extrait 4)
« Tout le monde sait que la vie des
nuages est très mouvementée, mais aussi très courte », écrit Bruno
Ferrero.
Et voici encore une
histoire :
Un jeune nuage naquit au milieu d’une grande tempête
en mer Miditérranée. Mais il n’eut pas le temps d’y grandir ; un vent
puissant poussa tous les nuages vers l’Afrique.
A peine avaient-ils gagné le continent que le
climat changea : un soleil généreux brillait dans le ciel, et au dessous
s’étendait le sable doré du désert du Sahara. Le vent continua de les pousser
vers les forets du sud, vu que dans le désert il ne pleut pas, ou presque.
Cependant, ce qui arrive aux jeunes humains
arrive aussi aux jeunes nuages : il décida de s’éloigner de ses parents et
de ses amis plus âgés, pour connaître le monde.
« Que fait-tu ? Protesta le vent.
Le désert est le même partout ! Rejoins la formation, et allons jusqu’au
centre de l’Afrique, ou il y a des montagnes et des arbres
extraordinaires ! »
Mais le jeune nuage, d’une
nature rebelle, n’obéit pas ; peu à peu, il perdit de l’altitude, et il
réussit à planer sur une brise douce, généreuse, prés des sables dorés. Après
une longue promenade, il s’aperçut qu’une dune lui souriait.
Il vit qu’elle aussi était
jeune, formée récemment par le vent qui venait de passer. Il tomba amoureux sur
le champ de sa chevelure dorée.
« Bonjour, dit-il.
Comment est la vie en bas ?
-J’ai la compagnie des autres dunes, du
soleil, du vent, et des caravanes qui de temps en temps passent par ici. Il
fait parfois très chaud, mais c’est supportable. Et comment est la vie
là-haut ?
-Il y a aussi le vent et le soleil, mais
l’avantage, c’est que je peux me promener dans le ciel et connaitre beaucoup de
choses.
-Pour moi la vie est courte, dit la dune.
Quand le vent reviendra des forets, je disparaîtrai.
-Et cela t’attriste ?
-cela me donne l’impression de ne servir à
rien.
-Je ressens la même chose. Dés que passera un
vent nouveau, j’irai vers le sud et je me transformerai en pluie ; mais
c’est mon destin. »
La dune hésita un peu, puis déclara :
« Sais-tu qu’ici, dans
le désert, nous appelons la pluie Paradis ?
-Je ne savais pas que je pouvais devenir si
important, dit fièrement le nuage.
-J’ai entendu des légendes racontées par les
vieilles dunes. Elles disent qu’après la pluie nous sommes couvertes d’herbes
et de fleurs. Mais je ne saurai jamais ce que c’et, parce que dans le désert il
pleut très rarement. »
A son tour le nuage hésita.
Mais bien vite un large sourire lui revint.
« Si tu veux, je peux te couvrir de
pluie. Je viens d’arriver, mais je suis amoureux de toi, et j’aimerais rester
ici pour toujours.
-Quand je t’ai vu pour la première fois dans
le ciel, moi aussi je suis tombée amoureuse,, dit la dune. Mais si tu te
transformes en pluie ta belle chevelure blanche, tu vas en mourir.
-L’amour ne meurt pas jamais, répliqua le
nuage.
Il se transforme ; et je
veux te montrer le Paradis. »
Et il commença à caresser la
dune de petites gouttes ; ainsi ils demeurèrent ensemble très longtemps,
jusqu’au moment ou apparut un arc-en-ciel.
Le lendemain, la petite dune
était couverte de fleurs.
D’autres nuages qui se dirigeaient vers
l’Afrique, croyant que se trouvait là une partie de la foret qu’ils
cherchaient, déversèrent leur pluie. Vingt ans plus tard, la dune était devenue
une oasis, et les voyageurs se rafraîchissaient à l’ombre de ses arbres.
Tout cela parce qu’un jour un nuage amoureux
n’avait pas craint de donner sa vie par amour.
Paulo Coelho