UN SONGE
Un soir que fatigué sur le bord du chemin
Je m’étais assoupi tout juste une seconde,
Voici que sans détour, me prenant par la main,
Un songe m’emporta comme à l’envers du monde.
Lorsque je m’éveillai, nébuleux, chancelant,
D’étranges souvenirs flottaient dans ma mémoire,
Nuages incertains, brumes s’effilochant,
Tels les mots envolés d’une obscure écritoire.
Une immense ferveur sans fin les animait,
Visages entrevus aux si brûlantes voix.
Et plus je les cherchais, et plus ils s’enfuyaient.
Mais j’étais rassuré sans trop savoir pourquoi.
Et puis tout disparut. Je me frottai les yeux.
Or j’allais repartir, m’appuyant contre un chêne,
Quand soudain je perçus, venant du tronc noueux
Des accords mystérieux, comme une cantilène.
Je me pris à songer : ces présences, ces voix,
Seraient donc en tous lieux, par la terre et par l’onde,
Nuit et jour en secret façonnant avec foi …
Tout ce qui s’offre à nous, mais oui : l’Endroit du Monde !
Alain GAUTRON